Aussi bien l'Armée rouge que les armées blanches ont été gênées tour à tour dans leurs opérations par l'action des guerillas paysannes. En particulier, un nouvel État policier s'est forgé autour de la Tchéka au cours de la guerre civile et de la « terreur rouge ». Ainsi selon Nicolas Werth, « la terreur blanche ne fut jamais érigée en système. Entrant dans ceux-ci ou dans l'Armée rouge, ils ont acquis des positions de pouvoir et des privilèges inespérés pour eux sous l'Ancien Régime. La tension monte progressivement, marquée par la radicalisation du discours des partis. Marc Ferro considère qu’Octobre est à la fois, techniquement, un putsch, mais qui ne s’explique que dans le contexte d’ébullition révolutionnaire générale dans tout le pays et dans toute la société. Alors que la monnaie s'effondre et que le pays vit à l'heure du troc et des salaires versés en nature, le régime instaure la gratuité des logements, des transports, de l'eau, de l'électricité et des services publics, tous pris en main par le Parti-État. Le pouvoir bolchevik est confronté au même moment aux révoltes paysannes et ouvrières, ainsi qu'à l'insurrection des SR de gauche à Moscou le 7 juillet. Le jour suivant, les Soviets ratifient la constitution d’un Conseil des commissaires du peuple intégralement constitué de bolcheviks, comme base du nouveau gouvernement, en attendant la convocation d’une assemblée constituante. La principale modification fut la restauration du rouble-or, en 1897. Ces défections furent accompagnées de cette résolution improvisée de Léon Trotski : « Le 2e congrès doit constater que le départ des mencheviks et des SR est une tentative criminelle et sans espoir de briser la représentativité de cette assemblée au moment où les masses s’efforcent de défendre la révolution contre les attaques de la contre-révolution[43] ». Les avis sur les premiers jours suivant le changement de pouvoir d’Octobre sont partagés. Mais il y a un point sur lequel il me paraît impossible qu'on n'approuve pas unanimement leurs efforts, qu'on n'apprécie pas sans réserve les résultats déjà obtenus : c'est en matière d'instruction publique », « L'art n'est pas un domaine où le Parti est appelé à commander. Le délabrement économique et moral consécutif à la guerre civile va laisser la place à une couche de bureaucrates, qui au sein même du parti bolchevique vont réussir à s’imposer à la tête du pays. Ce qui soude les campagnes contre le pouvoir urbain, et aliène au parti les paysans que le décret sur la terre lui avaient gagné. Les bolcheviks sont confrontés seuls aux immenses difficultés d’une Russie en explosion, où leur prise solitaire du pouvoir ne fait nullement l’unanimité. Selon le démographe russe A.G. Volkov, la population de la Russie a diminué de 7 millions entre 1918 et 1922, chiffre auquel il faut retirer les émigrés (estimés à 2 millions par le démographe) et la différence de 400 000 entre les retours et sorties de prisonniers et de fuyards, pour aboutir à un chiffre de 4 500 000 morts pendant la guerre civile, soit un peu plus de 3 % de la population[128]. Le même jour, ils tentent de prendre d'assaut le siège de la Tchéka à Moscou. Dès les premières heures qui suivent le 7 novembre, et jusqu’à nos jours, nombre d’acteurs et de commentateurs ont considéré la « révolution d'Octobre » comme étant en réalité un simple coup d'État d’une minorité résolue et organisée, qui visait à donner « tout le pouvoir aux bolcheviks »[48] et non aux soviets. La décision permet d'accentuer considérablement la censure de la presse non-bolchevique. D'autres historiens considèrent au contraire que l'idéologie – notamment l'assimilation des communistes aux juifs et le fantasme d'un complot « judéo-bolchevique » – tient une place importante dans le processus de la terreur dirigé par le haut[97]. Sur le front roumain, l’armée se décompose en détachements blancs, qui rejoindront l’armée blanche de Dénikine, et en régiments rouges. Les armées blanches et surtout l'armée Petlioura ponctuent leurs avancées de pogroms antisémites systématiques et à grande échelle, d'une violence meurtrière alors sans précédent dans l'histoire européenne. D'autres courants émergent en Russie, comme le suprématisme, qui prône la suprématie de la forme pure dans la peinture. Beaucoup d'hommes du peuple, ex-ouvriers, employés ou paysans, ont bénéficié de la croissance du Parti-État et de sa bureaucratie (dont le développement notable[129] angoisse déjà Lénine et Trotski). Un Comité militaire révolutionnaire est créé au sein du soviet de Petrograd et dirigé par Trotski, président de ce dernier. 14 000 d'entre eux (30 % du total) acceptent de servir le nouveau pouvoir parfois par force (leur famille répondent sur leur tête de leur loyauté, en vertu de la « loi des otages »), mais aussi au nom de la continuité de l'État et du salut du pays menacé d'anarchie et de démembrement. En 1921-1922, une famine doublée d'une très grave épidémie de typhus fauche plusieurs millions de vies dans les campagnes russes. Les Cosaques, qui ont constitué d'emblée le fer de lance de l'antibolchevisme, sont déportés en bloc, leurs privilèges supprimés. Dans les campagnes, des détachements armés procèdent violemment aux réquisitions forcées de céréales pour nourrir les villes ainsi que l'Armée rouge. En juillet elle en a 2000. Après la défaite des Blancs fin 1920, la paix ne revient donc vraiment en Russie qu'en 1921-1922, après l'écrasement des grandes révoltes paysannes comme celle conduite par le SR Antonov à Tambov à l'été 1921, la destruction des armées vertes un temps maîtresses d'immenses territoires (en Sibérie orientale, elles contrôlent jusqu'à un million de kilomètres carrés), et le compromis de la NEP (mars 1921) passé entre le régime bolchevique et la paysannerie. Environ deux millions de « Russes blancs » (pas tous monarchistes ni russes en réalité) se sont exilés de la Russie révolutionnaire, ou en ont été bannis. La peine de mort abolie en février est rétablie. Il n'y aura cependant pas de révolution de janvier ou de juillet 1918, répression et guerre civile aidant. Les défaites de 1905 arrêtèrent l'expansion russe en Asie et affaiblirent son influence au Moyen-Orient où elle se heurtait à l'Angleterre. Le puissant syndicat des cheminots, le Vikhjel, reprend cette revendication. À leurs yeux, la Russie n’est mûre que pour une révolution bourgeoise, le prolétariat étant inexpérimenté et trop faible numériquement. La chambre basse du Parlement russe (la Douma), constituée de partis libéraux et progressistes, met en garde le tsar Nicolas II contre ces menaces pour la stabilité, tant de la Russie que du régime, et lui conseille de former un nouveau gouvernement constitutionnel. Refusant ces actes mais aussi le traité de Brest-Litovsk qu'ils interprètent comme une capitulation face à l'impérialisme allemand, les SR de gauche rompent à leur tour avec le gouvernement bolchevique (mars 1918). Les démocraties de l'Entente (France et Grande-Bretagne surtout) sont soulagées d'être débarrassées de l'allié encombrant qu'était Nicolas II, le maintien de l'autocratie tsariste les mettant en porte-à-faux avec leur propre propagande sur la « guerre du droit ». Les paysans ont obtenu le partage des terres qu'ils attendaient depuis des générations (bien qu'en raison de leur fort accroissement démographique, ils n'y aient gagné en moyenne que 2 à 3 hectares de terre chacun). D'autres s'engagent dans les armées régulières par opportunisme. Selon la Tchéka elle-même, il y a 22 exécutions dans les six premiers mois de 1918, 6 000 pour les six derniers.[réf. Les causes de cette « dégénérescence » sont diversement expliquées. Ce point de vue est rejeté par certains historiens, à l'instar d'Arno J. Mayer qui, dans un ouvrage récent, soutient que la politique répressive du régime soviétique a essentiellement été le produit de pressions internes (la violence de la contre-révolution) aussi bien qu'externes (la réaction des puissances internationales face à la prise du pouvoir par les bolcheviks)[133]. Selon Sabine Dullin, « les organismes de répression créés par les Bolcheviks laissaient une grande part à l'initiative populaire »[94]. En 1918, cependant, Lénine ne répugnait pas à faire changer le nom du parti en parti communiste, ni à fonder en 1919 l'Internationale communiste (il s’agissait de choisir un nom se démarquant de la social-démocratie, qui avait été majoritairement favorable à la guerre). C'est ainsi que des « armées vertes », composées de paysans qui refusent les enrôlements forcés et les réquisitions, se battent tour à tour contre l'Armée rouge et les armées blanches. Mais les électeurs étant principalement des aristocrates. En janvier 1918, Lénine esquisse un pas de danse dans la neige lorsque le gouvernement issu d'Octobre dépasse d'un jour la durée de la Commune de Paris de 1871. En revanche, ce gouvernement estime, tout comme une partie des dirigeants de soviets et de partis révolutionnaires, que seule la future Constituante élue au suffrage universel aura le droit de décider de la redistribution des terres et du régime social. Le « défaitisme révolutionnaire » prôné par Lénine est très impopulaire jusqu’au sein du parti bolchevique. En Ukraine, l'Armée rouge s'est aussi retournée contre ses anciens alliés, les anarchistes de l'armée Makhno : à partir de fin 1920, elle attaque brutalement l'expérience inédite de la makhnovchina. Dzerjinski prévient que cette opération n’est qu’un début. L'armée allemande n'est plus qu'à 150 km de Petrograd. Au mois de février 1917, l'enlisement de la guerre, les échecs militaires répétés de l'armée... 1  Après la déclaration de guerre de l'Allemagne à la Russie (1er août 1914), puis celle de l'Autriche (7 août 1914), les troupes russes connurent des succès rapides, en Prusse orientale et en Galicie, et contre les Turcs au Caucase (automne 1914, printemps 1915). La situation économique n’est évidemment pas améliorée par l’occupation de la riche Ukraine par les troupes allemandes, ni par l’embargo sur la Russie décrété en 1918 par les principales puissances (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne et Japon), ni par les débuts de la guerre civile. Fin août 1917, Kornilov organise un soulèvement armé, et jette 3 régiments de cavalerie par voie de chemin de fer sur Petrograd, dans le but affiché d’écraser dans le sang les soviets et les organisations ouvrières et de remettre la Russie dans la guerre. HISTOIRE - Il y a cent ans, le 6 avril 1917, les États-Unis déclaraient la guerre à l'Allemagne. C’est pourquoi, selon cet historien, loin des « simplismes » libéraux ou marxistes, « la révolution d’Octobre 1917 nous apparaît comme la convergence momentanée de deux mouvements : une prise du pouvoir politique, fruit d’une minutieuse préparation insurrectionnelle, par un parti qui se distingue radicalement, par ses pratiques, son organisation et son idéologie, de tous les autres acteurs de la révolution ; une vaste révolution sociale, multiforme et autonome (...) une immense jacquerie paysanne d’abord, [...] l’année 1917 [étant] une étape décisive d’une grande révolution agraire, [...] une décomposition en profondeur de l’armée, formée de près de 10 millions de soldats-paysans mobilisés depuis 3 ans dans une guerre dont ils ne comprenaient guère le sens (...), un mouvement revendicatif ouvrier spécifique, (...), un quatrième mouvement enfin (...) à travers l’émancipation rapide des nationalités et des peuples allogènes (...). Il s'agit à la fois de signer la paix, de se servir des négociations pour montrer la politique d'expansion territoriale des gouvernements bourgeois, mais sans paraître prendre parti pour les Empires centraux. Les gardes rouges conduits par les bolcheviks prennent sans résistance le contrôle des ponts, des gares, de la banque centrale, des centrales postale et téléphonique, avant de lancer un assaut final sur le palais d'Hiver. Elle doit alors s'inventer comme État-nation, qui plus est multiethnique, tâche d'autant plus ardue que le pays a été tout au long de son histoire à la tête d'un empire et que sa population vient de subir, avec la perestroïka, un traumatisme identitaire, la sensation d'être une superpuissance déchue venant s'ajouter à la perte des rep […] Le régime instauré par les bolcheviks a souvent été qualifié de « communiste », même si pour Marx le communisme correspond à une société qui répond à la devise « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins »[135]. La communiste allemande Rosa Luxemburg parle elle aussi du « coup d’État d’octobre »[51]. Certains prisonniers de guerre des Empires centraux, convertis au bolchevisme pendant leur captivité en Russie, se sont faits les propagateurs de la révolution à leur retour au pays : le Yougoslave Josip Broz, futur maréchal Tito, n'est que l'exemple le plus célèbre. Dès le début de l'année 1918, le triple principe de laïcité, de gratuité et d'obligation d'éducation est posé par le régime. Après les journées de juillet, Kerenski a succédé au prince Georgy Lvov, monarchiste modéré, mais il perd de plus en plus la considération des masses populaires, et paraît incapable de contenir la montée de la réaction. Beaucoup, et pas seulement dans les élites bourgeoises, escomptent en Russie un sursaut patriotique et jacobin face à l’Allemagne du Kaiser, de même que la chute de la monarchie française en 1792 avait permis la victoire de Valmy et le rejet de l’envahisseur. Fort peu sensible à l’internationalisme des premiers dirigeants bolcheviques, Staline abandonne par ailleurs toute idée d’exporter la révolution par le Komintern. La guerre civile russe n'oppose pas seulement la jeune Armée rouge aux « armées blanches » monarchistes soutenues par les armées étrangères. Elle est dirigée par un collège de cinq membres (trois bolcheviks et deux SR) présidé par Félix Dzerjinski. Les Lettons sont nombreux dans les Gardes rouges qui prennent le Palais d'Hiver, ou encore dans l'Armée rouge et la Tchéka. En arrivant au pouvoir, les bolcheviks tentent de renoncer à ces pratiques impopulaires, mais devant l’aggravation de la situation sanitaire et économique, ils devront y recourir à nouveau. », Cette expression a été popularisée par l’historien britannique, Pour une présentation des débats qui ont traversé la. On peut toutefois souligner que précisément, aucune révolution « marxiste » au XXe siècle n’a jamais éclaté dans un pays riche et industriel, les seuls pays ayant été concernés étaient agraires et en retard de développement (la Chine, le Viêt Nam, l’Éthiopie, le Mozambique, etc.). Cependant, les défaites des Blancs et la sympathie des couches populaires de leur pays à l'égard de la révolution russe obligent les grandes puissances à abandonner la partie. Dès le 12 novembre, le nouveau pouvoir fait échec à une tentative de reconquête de Petrograd menée par Kerenski et les Cosaques du général Krasnov. Objet pour les uns de sympathies et d’immenses espoirs (la « grande lueur à l’Est » selon Jules Romains, le « charme universel d’Octobre » décrit par François Furet), ou inversement, pour les autres, de sévères critiques, voire de peurs et de haines en raison de la terreur rouge[3], elle reste un des faits les plus étudiés et les plus passionnément discutés de l’histoire contemporaine. Mais les rations s’effondrent toujours. Cet authentique mouvement paysan de masse avait réussi à se doter d'une armée insurrectionnelle capable de tenir tête pendant trois ans à la fois aux Austro-Allemands, aux Blancs de Denikine et Wrangel, à l'armée de la République populaire ukrainienne dirigée par Petlioura et à l'Armée rouge.